Fédération pour des Alternatives au Bitume pétrolier

POURQUOI LES CENTRALES D’ENROBÉS INQUIÈTENT TANT ?

« Les riverains les appellent souvent « usines à bitume ». Depuis des mois autour de Toulouse, la contestation grossit contre les centrales à enrobés. Et si elles inquiètent, c’est d’abord parce qu’elles sont méconnues et font l’objet de peu d’études »

« D’abord parce ce que d’un côté les industriels expliquent que ces centrales d’enrobés sont sans risque ou presque. Que c’est seulement de la vapeur d’eau qui sort des cheminées. Que tous les polluants restent dans les filtres. De l’autre côté on a le ressenti des riverains des centrales d’enrobés. Ils parlent de fumée, de dépôt noir sur leur linge et sur leurs façades, de maux de têtes et parfois même de malaises. Alors comment y voir plus clair ? Surtout chez nous, dans la région toulousaine où deux grosses usines vont être construites pour fournir les 500.000 tonnes de bitume de l’A69, l’autoroute Toulouse Castres »

« Il faut en premier lieu comprendre ce qu’est l’enrobé ? Ce sont des gravillons, du sable qui sont liés (ou en quelque sorte collés) grâce au bitume. Le bitume qui lui-même est fabriqué grâce aux boues du pétrole : le résidu du pétrole quand le gasoil et toutes les autres substances ont été extraites. Un bitume dans le lequel il y a naturellement beaucoup de polluants et notamment des HAP, (les hydrocarbures aromatiques polycycliques) dont certains sont des cancérogènes reconnus par l’OMS, l’organisation mondiale de la santé) »

« Les usines chauffent ce mélange bitume gravillon pour faire l’enrobé (entre 180 degrés et 260 degrés selon la composition). Des polluants s’échappent obligatoirement. Mais les usines ne doivent en rejeter que 0,02 microgramme par mètre cube, selon la loi. On peut dire que c’est peu. Mais une usine d’enrobés rejette 40.000 mètres cubes de vapeur par heure. Donc… en faisant le calcul on peut arriver à des tonnes de polluants par an »

« Et puis il y a eu des changements dernièrement dans la réglementation qui posent énormément de questions. Des changements qui datent des années 2019 – 2020. Depuis, on peut implanter plus facilement une centrale d’enrobés sans étude d’impact et avec une simple déclaration en préfecture »

« Deuxième point de vigilance, le fraisât : c’est le reste des anciennes routes qui désormais peut-être mélangé à 25 … 50… ou même 100% dans la fabrication de l’enrobé. D’un côté, on peut se réjouir. C’est du recyclage. Mais, cela inquiète les riverains. Parce qu’il y a plein de polluants dans ces fraisâts et notamment de l’amiante, des restes de pneus. Et il faut chauffer plus fort ce fraisât (autour de 250 degrés) ce qui laisse échapper plus de polluants »

« Autre problème : les usines sont surveillées avec des contrôles gérés par la Dréal, les services de l’Etat. Mais les industriels mènent eux-mêmes ces inspections via des prestataires, parfois même des filiales. Ce qui laisse planer de gros doutes sur la véracité des contrôles pour les riverains »

« Alors, a minima, les associations demandent des mesures de prévention. Et qu’on suive notamment l’exemple de l’Allemagne, où les usines d’enrobés sont implantées à 5 km des habitations (et pas 100 m comme chez nous). Et puis qu’elles soient aussi construites totalement sous cloche (on appelle ça du capotage) pour empêcher tout polluant de sortir. Parce que les analyses ont montré que les polluants s’échappaient certes de la cheminée, mais aussi des autres machines de l’usine »

« Et pour répondre à toutes ces inquiétudes, dans le Tarn, tout près de Réalmont, à Montredon-Labessonnié, les riverains ont décidé de lancer une étude scientifiques pour tenter de comprendre l’impact de l’usine qui produit de l’enrobé près de chez eux depuis 35 ans. Cette étude scientifique a été lancée alors qu’il y a eu plusieurs incidents autour de la centrale. Mais aussi, surtout, parce qu’une nouvelle usine pourrait être construite à proximité. Les riverains ont donc voulu en savoir plus »

« Ils ont financé une étude autour de 4.000 euros qui a été dirigée par Vanessa Léa, chargée de recherche au CNRS. Une étude suivie par un naturaliste Tarnais diplômé à l’université Paul-Sabatier de Toulouse, Clother Coste et l’Institut Ecocitoyen pour la Connaissance des Pollutions. Les scientifiques ont prélevé des boues dans la rivière à proximité et du lichen aux environs de l’usine. Les résultats viennent d’être dévoilés. Ils permettent très clairement d’établir une carte des rejets de la centrale d’enrobés. Dans les lichens ont trouve les fameux HAP dont certains ont été classés par l’OMS comme cancérogènes. En revanche, pour le moment, cette étude ne permet pas de définir de seuil de dangerosité »

« Partout en France, il reste un gros travail à faire pour connaitre mieux l’impact de ces usines. Pour certains, c’est comme l’amiante, où on a mis des années à prouver la dangerosité. Alors à Réalmont, par exemple, de nouvelles études vont être lancées. Et le but surtout c’est de faire participer la population, les riverains à ces travaux. Qu’ils soient acteurs de ces études. Une démarche qui est de plus en plus encouragée par le CNRS. L’Institut Ecocitoyen pour la Connaissance des Pollutions va plus loin et estime que le ressenti des riverains fait partie des données scientifiques exploitables. Alors dans le Tarn, trois types de travaux devraient être lancés dans les mois à venir. Un nouveau programme éco-citoyen élargi autour du lichen, un programme de dotation de station météo et un dernier, important pour établir des seuils de pollution autour des légumes feuilles. Une étude qui devra durer deux ans au moins avec un objectif : CONNAÎTRE MIEUX LES CENTRALES D’ENROBÉS »